mercredi 31 décembre 2008

Confidences de chauffeur de ministre

Au feu ! Au secours, les Pompiers !

L’autre jour, en conduisant sur le boulevard mon patron, le Ministre des Affaires stratégiques (à prononcer avec respect ...), nous avons croisé une armada d’engins en tous genres, presque neufs, certainement commandés par la Ville. Il y avait dans la caravane: des pelleteuses, des camions balayeurs et arroseurs, des camions éboueurs, et même des véhicules anti-incendie. Mon patron de Ministre, à partir de la banquette arrière de la voiture officielle, exultait comme un bambin. Il m’a même ordonné de me ranger un moment sur le bord de la route pour admirer, d’après ses propres dires, « les cinq chantiers en marche de la République en marche ! ».

Seulement voilà : la semaine passée, il y a eu comme une série noire d’incendies dans la ville, et presque coup sur coup. Le premier incendie s’est manifesté en plein centre-ville, en plein dans un bar qui servait aux agents Monuc d’attrape-mouches des ... Moniques en chaleur. Comme tout le monde sait, «Monique» est le féminin de Monuc, en ce qu’elle en est l’âme sœur et damnée, et le repos de guerrier. Donc, à propos d’incendie du bar, en un clin d’œil, on ne sait pourquoi, paf! un feu d’artifice et un feu de brousse! Le bar consumé par le feu! Les agents Monuc et leurs ... Moniques, tous familiers du coin, ont fait un grand deuil de ce bar devenu le lieu mythique des accordailles et des épousailles sulfureuses ...

Le deuxième incendie s’est déclaré sur la ville haute, dans la villa huppée d’un quelqu’un-en-haut-d’en-haut. En un clin d’œil aussi, villa partie en fumée ! C’est ainsi que dès l’annonce du troisième incendie, mon patron de Ministre a décidé d’aller sur place et, si besoin, de mener lui-même les opérations d’extinction. Ainsi, armés de pied en cap avec casques, scaphandres, bottes et gants de pompiers qu’il venait de commander à la brigade anti-incendie pour les besoins médiatiques et politiques, mon patron de Ministre et moi avons débarqué en pleine « cité» devant un hôtel en flammes. «Hôtel» est un bien grand mot pour cette bâtisse informe, presqu’en délabrement, servant plutôt de lieu borgne de passe et de prostitution. D’ailleurs, il fallait voir comment les amoureux d’une passe couraient hors des flammes dans une panique indescriptible, comme des Adam et Eve chassés du paradis! Il Y avait là, parmi ces fuyards et ces rescapés, de vieux croulants bedonnants, en slips flageolants et s’accrochant aux bras de filles nubiles à demi-nues. Tous, Adam et Eve, certainement surpris pour ainsi dire dans le feu des ébats érotiques ... Il y avait là également, des mémères rabougries, seins flasques tels des chaussettes et ventres en accordéon, pleurnichant de souffrance (mais aussi certainement de honte !) dans les bras de jeunes gigolos « Mario ». Tous, mémères et «Marios », projetés hors des flammes et du danger, mais au-devant du public intrigué des badauds. Nous étions là-devant l’incendie, mon Ministre et moi, impuissants dans notre ridicule tenue de pompiers d’opérette.

C’est alors qu’on entendit au loin, puis de plus en plus proches, les échos d’une sirène de pompiers. Piii! Pôôô ! Piii! Pôôô! Les pompiers ont débarqué avec fracas, comme des extra-terrestres. Ils se sont aussitôt affairés à dérouler les énormes tuyaux d’eau. Mais au moment de lancer les jets d’eau, rien! Rien qu’une petite pisse de chauve-souris! Mon patron de Ministre était au bord des nerfs .

... Arriva le deuxième camion extincteur. Piii! Pôôô! Piii!Pôôô! Toujours en trombe, et les boyaux bourrés d’eau. Mais ce camion était tellement gorgé d’eau que, dans sa surcharge, il cassa sec deux grosses dalles et s’y enfonça à un kilomètre du sinistre. Mon patron de Ministre ne tenait plus en place, et criait des ordres et des contre-ordres en tous sens.

Arriva enfin, toujours à tombeau ouvert, un troisième camion anti-­incendie. Piii! Pôôô! Piii! Pôôô! Mais il était tellement en vitesse qu’il dérapa et alla cogner contre les voitures en stationnement. Et parmi ces voitures fracassées, yélélé ! yélélé ! la voiture même, la voiture officielle de mon patron de Ministre ! Autrement dit, ce qui fait ma propre fierté de vivre et de survivre en tant que chauffeur distingué d’un Ministre distingué ... Partie en fumée, « notre» voiture officielle!

Mon patron de Ministre était fou de rage ... Il a fallu finalement le secours des « shegués » pour éteindre, avec des seaux dérisoires et de l’eau de robinet, les dernières flammèches évanescentes. Et de nous trouver, à mon patron et à moi, un taxi-express de fortune pour quitter les lieux du sinistre !

YOKA LYE

ANDREYOKALYE@YAHOO.FR

Aucun commentaire: