jeudi 29 janvier 2009

Confidences de chauffeur de ministre

Il y a deux semaines nous sommes passés à deux doigts d'une crise importante. En effet, le franc congolais est parti à la hausse de manière excessive (1$=850 FrC pour 1$ = 550 FrC au mois de septembre) privant ipso facto de nourriture la très grande majorité des kinois.

Pour l'instant, le franc a baissé. Mais le dollar monte et descend, faisant frémir la très fragile économie kinoise et donnant à écrire à notre chauffeur de ministre!

Dollar Mata-Kita !

(Jouer à monter et descendre; petite racine aux vertus aphrodisiaques)

Par Le Potentiel

Nous sommes sortis de 2008… O.K. Nous sommes entrés en 2009… K.O ! C’est vraiment la gueule de bois après les cuiteries, les ambianceries et les débaucheries de fin d’année. Comme on sait, 2009 a mal démarré pour mon bailleur de parcelle, l’honorable parle-menteur : il a été pris la main dans le sac, avec 12 autres complices en train de tripatouiller les chiffres de la Société E.S.C.R.O.C (Entreprises Socio-Culturelles des Réalisations et des Opérations Charitables), en vue de gonfler outre mesure les budgets d’interventions du gouvernement. Les 12 apôtres parle-menteurs et bénévoleurs ont été mis à la touche, aux bons soins du parquet, afin de justifier les matabiches et autres pots-de-vin reçus. Pour le moment, notre bailleur de parcelle, à la touche et à l’ombre, médite les vicissitudes de la vie. Il est… K.O !

K.O, c’est aussi le cas du franc congolais dollarisé, pris dans la tourmente et la danse mata-kita-mata. Mon patron, le Ministre des Affaires stratégiques (à prononcer avec respect…) en est tout retourné et tout perplexe. I l s’en est vraiment rendu compte hier quand il m’a demandé de lui acheter son journal quotidien. J’ai couru vers tous les kiosques autour du cabinet ministériel, rien ! Pas de journaux ! J’ai fait le tour de la ville, rien ! C’est alors que j’ai appris, en passant à côté du grand marché, que la plupart des échoppes étaient fermées. Motif : l’emballement ndomboleur (ndlr: ndombolo: dance à connotations sexuelles s'inspirant des gorilles) et vertigineux du franc dollarisé. K.O, les étalages des légumes kikalakasa. K.O, les croupions de porc-épic. K.O, les testicules de chauves-souris. K.O, les ganglions de bouc. K.O, la bière Ngwasuma. K.O, la bière Tonton. K.O, les londonniennes !

Et voilà tous les bongolateurs (Ndlr: Bongo : argent) étourdis devant ce dollar congolisé, complètement débraillé. … J’ai fini par mettre la main sur le journal ! Mais sans doute au vu de la voiture officielle et de la bedaine arrondie du chauffeur de Ministre que je suis, le petit vendeur de journaux s’est mis à jouer aux enchères et à la spéculation. Le journal de 24 pages se vendait désormais à 1000 francs congolais … la page ! Donc : 1000 FC x 24 pages = 24.000 francs congolais ! Soit 30 dollars au nouveau taux de 80… Le petit vendeur n’en démordait pas : 24.000 FC ou 30 dollars pour les 24 pages du journal. A prendre ou à laisser! J’étais …K.O !

J’ai alors téléphoné à mon patron de Ministre pour lui faire part de tous ces dérapages de la monnaie sur le marché, et singulièrement du tarif en ascenseur de son journal. Mon patron semblait …K.O ! Je l’ai entendu, au bout du fil, rugir comme un lion constipé, et déblatérer des jurons obscènes en sa langue maternelle (que je n’ose pas répéter ici par respect pour lui…). Je ne sais pas contre qui et contre quoi pestait mon patron de Ministre : contre le petit vendeur de journaux ? Contre les bongolateurs ? Contre les officines indo-pakistano-sino-libano-maliennes ? Contre la « Banque des banques » ou les banques privées ? Contre l’infortuné chauffeur du Ministre ? Mon patron de Ministre a néanmoins consenti à ce que je négocie le journal au prix moitié. Ce que j’ai réussi à obtenir après d’âpres négociations avec le petit vendeur. J’ai vu, avec humiliation, le petit enfoiré sautiller de joie en empochant ses dollars, ravi d’avoir roulé un patron en-haut-d’en-haut.

Lorsque je suis rentré au Cabinet ministériel, j’ai trouvé mon patron sur le pas de la porte de sortie. Le temps de m’arracher le journal des mains, mon patron s’engouffrait dans la voiture officielle et m’ordonnait de le conduire au centre-ville.

Mon patron de Ministre tenait à vérifier de ses propres yeux, sur le marché même, la danse ndomboleuse et mata-kita du dollar tropicalisé. A notre grande surprise, tous les magasins et autres ligablos étaient toujours fermés, et l’on pouvait lire sur les portails de certains d’entre eux des graffiti du genre : « Wanted Dollar ! ». Ou : « Mr. Dollar recherché. Forte récompense à qui mettra la main sur lui, mort ou vif ! » Ou encore : « Dollar… K.O. ! ». Mon patron de Ministre trouvait la farce de très mauvais goût.

Il s’est ensuite dirigé vers le quartier des bongolateurs et autres changeurs au noir. Une autre surprise nous y attendait : ici c’était le sauve-qui-peut, la débandade, le… K.O ! Devant mon patron de Ministre éberlué, des policiers s’étaient lancés aux trousses des bongolateurs, au nom de la guerre contre l’inflation. Ils étaient tellement zélés, ces policiers, qu’ils ont donné l’impression à mon patron de Ministre d’être à la poursuite non pas vraiment des bongolateurs, mais de leurs dollars inflationnés, comme butin et trésor de guerre…


Yoka Lye

andreyokalye@yahoo.fr


mardi 27 janvier 2009

Musique!

Voici un morceau classique du Grand Kalle qui date de l'indépendance et que tous les congolais connaissent par cœur! L'influence cubaine y est flagrante.

IDEPENDANCE CHA CHA

spécificité_culturelle.4

jeudi 22 janvier 2009

Il est bel et bien là!





Attendu depuis quelques semaines, il est enfin arrivé! Affichant un très large sourire et allant d'une démarche sure et posée, Camille est avec nous à Kinshasa depuis jeudi dernier!

Rassurez-vous! Il a les yeux ouverts comme jamais! Le cerveau au travail en permanence afin d'emmagasiner un maximum de souvenirs qu'il vous partagera avec enthousiasme.


En effet, le programme est chargé! Arrivé à 22h30' dans notre appartement, nous avons pris le temps des retrouvailles et des échanges de cadeaux (Merci à vous tous d'ailleurs!). Puis nous sommes allés nous reposer un peu car nous partions pour Matadi, province du Bas-Congo, le lendemain vers 7h. Un périple de trois jours pour éprouver papa et tester notre nouvelle (...) Hilux.



Après ces trois journées et quelques heures de cours à l'école belge, le lundi soir, petit verre dans un bar typique en face de chez nous puis souper à nous trois. Le mardi fut un peu plus riche. Enfin, surtout pour Hervé et moi car nous nous sommes retrouvés au poste de police pour n'avoir commis aucune infraction... (Ce devrait être le sujet d'un prochain article). Pendant ce temps, papa et Sophie nageaient et prenaient le soleil! Pour le souper, une pizza place Commerciale à Macampagne avec Alain et Hervé...


Hier, mercredi, nous sommes allés visiter un site unique au monde! La réserve de bonobos au bord de la rivière Lukaya. Après quoi nous avons découvert un village de brousse et partagé quelques moments précieux au bord du cours d'eau avec les enfants du lieu... Bonheur, sourires et joies!

Reste au programme: la visite du marché des voleurs cet après midi, une pièce de théâtre et un repas chez Maman Colonel ce soir. Pour vendredi, un circuit "touristique" dans la ville en compagnie de Florent qui se terminera par une nuit congolaise.... Beau Marché, puis boîte locale!

Pour son avant dernier jour, déjà, et pour l'anniversaire de Sophie, Alexandra nous emmènera passer la journée sur le fleuve et se clôturera peut-être par un petit concert bien kinois...

Enfin, dimanche, nous allons juste tenter de profiter au maximum de ces derniers instants avant cinq mois!


Bien à vous!


PS: Pour les photos, histoire de changer un peu, cliquez sur l'icône ci-dessous.

vendredi 9 janvier 2009

Confidences de chauffeur de ministre

12 disciples…parle-menteurs !

C’était vraiment l’autre face de la médaille! C’était tout à fait l’envers : notre bailleur de parcelle, l’honorable parle-menteur avait complètement changé ! Alors qu’il nous a arnaqués, nous ses locataires, pendant toutes les fêtes de fin d’année, le voilà soudain épris d’une générosité sans pareil tout au début de l’année 2009, comme pour compenser sa pingrerie légendaire. Au point que j’ai dû, malgré moi, renoncer à bon nombre d’invitations de mon patron, le Ministre des Affaires stratégiques (à prononcer avec respect...). Donc, depuis la fin des fêtes, notre bailleur multiplie des largesses. Les premiers jours de janvier, notre bailleur a distribué porte après porte des sacs de riz, des sacs de fufu et des boîtes de conserves pour testicules de chauves-souris. Et malgré la clôture des ambiances de fin d’année, la majorité des locataires ont rempilé dans de nouvelles cuites. D’autant que, dans un deuxième temps, notre bailleur a commandé des casiers de bière et, de nouveau, les a répartis de porte à porte. Seule ma femme, on ne sait pourquoi, a résisté à toutes ces tentations de générosités. « Générosités suspectes », s’est-t-elle indignée. D’après ma femme, notre bailleur-parle-menteur devenu un superbe flambeur devant l’Eternel, ne pouvait qu’avoir signé des pactes sorciers avec des mamiwatas ou des boas cracheurs d’argent. Toujours d’après ma femme, cet argent distribué à profusion ne pouvait être que du « moyeke », c’est-à-dire de l’argent de « saleté ». J’ai eu beau signifier à ma femme que l’argent n’a pas d’odeur, que l’argent n’est qu’un bon serviteur, sans plus; que l’argent n’a jamais acheté ni l’honneur, ni l’amour, ni l’âme, wapi! Ma chère femme n’en démordait pas : pour elle, l’argent-là de ce bailleur-là ne pouvait provenir que d’un dangereux « occultiste» envoûteur, et apprivoiseur de boas vomisseurs de faux dollars.

En attendant, les locataires avaient prolongé les ambianceries, les beuveries, les cuiteries, les débaucheries. Et, point culminant de cette débaucherie parle-menteuse, notre bailleur a réquisitionné notre nganda-bistrot du quartier et, au cours d’une soirée mémorable, a offert une tournée générale à tous les ambianceurs présents. Ah! Nous nous en souviendrons longtemps de cette fameuse soirée, nous les locataires: ngwasuma à gogo, Tonton Skol à gogo, testicules de chauves-souris à gogo, ambiance à gogo! D’ailleurs, au comble de l’ambiance, pris au jeu lui-même (et certainement pris dans la cuite !) notre bailleur-parle-menteur s’est mis à se trémousser au milieu de la piste de danse comme un tourniquet, la tête en bas les jambes en l’air. Le spectacle était si inédit que la foule des badauds du quartier s’est ruée vers le nganda-bistrot, surtout la cohorte des « londonniennes» et des autres filles de joie. Du coup, les quelques épouses des locataires présentes à cette bamboula folle ont brutalement quitté les lieux, en signe de protestation contre l’invasion des prostituées. Les maris eux, ne se sont pas fait prier, et ont continué de plus belle la fiesta. Bien au contraire, tous se sont jetés à bras raccourcis et avec une gourmandise suspecte sur les « londonniennes» délurées. Bien entendu la soirée s’est prolongée ainsi jusqu’aux petites heures ...

Or, mauvaise surprise à l’aube : alors que nous étions tous K.O de la bière, de la bouffe, des nanas et de la danse, y compris notre honorable parle-menteur-bailleur, nous avons été surpris par l’irruption brutale et musclée de la police, avec à la tête un Officier de Police Judiciaire des parquets. Ce dernier tenait en mains un mandat d’arrêt au nom ... notre bailleur. Renseignements pris, notre honorable bailleur figurait sur une liste de 12 parle­menteurs bénévoleurs et indélicats qui avaient touché des matabiches et autres pots-de-vin de la part de la société E.S.C.R.O .C (Etablissements Sodo-Culturels des Réalisations et des Opérations Charitables). L’ESCROC en question souhaitait ainsi voir rehausser ses prévisions budgétaires alors en examen au parlement, spécialement la rubrique des interventions financières du gouvernement. Notre bailleur de parcelle avec les 12 disciples indisciplinés ont donc contribué à gonfler exagérément les recettes de la fameuse société ESCROC (Etablissements Sodo-Culturels des Réalisations et des Opérations Charitables).

... Mais une autre surprise de taille m’attendait, moi personnellement, quand je suis rentré au bercail, ivre comme un malafoutier. Ma femme avait bloqué notre porte d’entrée, sans doute en signe d’embargo, et avait même poussé le culot jusqu’à inscrire à la craie blanche sur cette porte: « Interdit isi les gens, les agents et les argens sales! ». Cette mémère avait en plus gribouillé tout ça dans une sale langue française...

YOKA Lye
andreyoka@yahoo.fr

samedi 3 janvier 2009

Est-ce que tu viens pour les vacances? Moi je n'ai pas changé d'adresse...

Quelques jours avant notre départ, le stress monte d'un cran lorsque nous apprenons que la réservation pour notre hôtel de rêve sur l'océan indien n'a pas été enregistrée... Mis en cause, l'ami Kallo, responsable de l'agence de voyage, va passer trois jours à se débattre avec son téléphone pour nous trouver une chambre à la hauteur de nos ambitions (= passer des vacances à nous deux dans le confort et la facilité...). Finalement, la veille du décollage, il nous informe que nous serons logés au Séréna Hôtel ***** de Nairobi. Au revoir les plages de sable blanc, la barrière de corail et les bancs de poissons multicolores...


Sophie accuse le coup et le départ de nos amis vers notre mère patrie ajoute encore au tragique du moment... De mon côté, je tente de garder la tête froide, de positiver et d'organiser le départ. Car dans ce lot de nouvelles plus ou moins mauvaises, une deviendra une belle opportunité. En effet, normalement, nous devions passer 10 nuits mais comme cet hôtel est plus cher, pour respecter notre budget, Kallo n'a pu nous en réserver que 7... Restait donc 3 nuits à occuper...

Finalement, samedi, c'est Kallo en personne qui nous conduit à l'aéroport de N'Djili où il nous confie à un homme de terrain, Kombé, qui nous prend en charge dans ce joyeux désordre qu'est l'aéroport international de Kinshasa...

Après moins de 4h de vol, nous atterrissons à Nairobi. Un chauffeur de l'hôtel nous réceptionne et nous traversons la ville en Mercedes grand luxe... Plusieurs choses nous sautent aux yeux rapidement... Les routes sont impeccables, il y a même des panneaux de signalisation! Les véhicules sont en bon état. Les badaux ne portent rien sur la tête. La ville est propre et organisée...

Ouf...


L'Afrique ce n'est donc pas Kinshasa... Kinshasa attachante ma
is érreintante... Pas vraiment stressante mais plutôt omniprésente (vaccarme, saleté, odeur) et souvent compliquée... Nairobi structurée, organisée et propre. Enfin les vacances! Sur les dix jours, nous en passerons donc 7 à l'hôtel. 7 journées pendant lesquelles nous nous reposerons et nous découvrirons la ville et ses alentours. Sans oublier de préparer le safari de trois jours pour la fin du séjour.


Finalement, tout s'est très bien mis. Nous y sommes allés crescendo. Visite de la ville et shopping, du musée national sur les animaux et l'origine de l'homme, un orphelinat de girafons, un autre d'éléphanteaux, un safari d'un jour, le 24 décembre, en amoureux (Lac Naivasha et lac Nakuru, cfr. carte), le marché massaï et, enfin, trois jours dans la réserve Massaï Mara... Des espaces à perdre le nord, des animaux par centaine et des rencontres, pour la plupart, marquantes.

Sans entrer dans les détails (il faut quand même que l'on ai encore des choses à vous raconter à notre retour!), nous avons pu nourrir les girafons, observer l'éducation des éléphanteaux ainsi que leur petit déjeuner au biberon, approcher des familles d'hippopotames en barque, et admirer en pleine savane des zèbres, des giraffes, des impalas, des waterbucks, des gnous, des pélicans, des buffles, des marabouts, des aigles, des lionceaux, des lionnes et des lions, des touristes texans (pas glorieux d'ailleurs...), des oiseaux de toutes les tailles, de toutes les formes, de tous les ramages imaginables, des autruches, des éléphants, des léopards, des flamands roses, des babouins,...


Notre dernier safari a été particulièrement réussi. Il faut savoir que ce que l'on vous propose, dans un budget raisonnable, c'est un regroupement hasardeux dans une camionnette au toît ouvrant. En suite, on vous promène, serrés à l'arrière pendant des heures et des heures dans la poussière et sous un soleil de plomb. C'est pourquoi nous avons souhaité avoir une journée de promenade à l'air libre. Interdiction de marcher dans la réserve, nombreux dangers et manque de carte... On nous remet alors entre les mains d'un guide et d'un guerrier massaï pour assurer notre sécurité.


Pour moi, ce fût la plus belle journée... A 6 heure, on part dans le parc en camionnette pour voir le lever du soleil sur la savane et les animaux. De retour vers 9h pour le déjeuner, le groupe nous dépose dans un village massaï. Le fils du chef nous fait la visite. Danses et chants folkloriques, intérieur d'une maison, et, petit marché de l'artisanat local... Après le petit déjeuner, Sophie et moi partons à pied à l'assaut de la plus haute colline du coin... Indescriptible...

Pour le logement, vous avez le choix: les lodges luxueux et honéreux ou un petit camping massï genre camp scout amélioré... Vous devinerez aisément notre choix. Feu de camp et discussions autour d'une bière sous un ciel riche de constellations et d'étoiles inconnues... Le lendemain, long retour à Naïrobi, petit retaurant avec deux suissesses avec qui nous partagions les banquettes de la camionette, une dernière courte nuit avant le départ pour Kin la belle!!!

Le reste des vacances fut un peu moins joyeux... Sans voiture, sans projet, nous nous sommes trainés de coup de blues en coup de blues jusqu'à la rentrée où nous retrouvions nos collègues et amis ainsi que ces chères têtes blondes pour de nouvelles aventures!!!


Encore une bonne année à vous tous et à bientôt!

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vendredi 2 janvier 2009

Tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage...

Extrait de Mathématiques congolaises, In Koli Jean Bofane (cfr. menu dans la marge droite et merci à Sophie et Rémy!), le passage qui suit est une interprétation du systéme économique congolais... Sans doute plus ou moins juste et plus ou moins excessive, elle a le mérite de faire réfléchir...

" Toute la matinée, on chargea des wagons de marchandises venues d'Afrique du Sud et de Namibie, par la route et le train, à travers la Zambie. On manipulait des minerais produits dans la région. Entre autres des lingots et des plaques de cuivre destinés à être fondus, pour gainer des câbles coaxiaux ou pour se répandre en réseaux sur des circuits intégrés, mais aussi pour constituer des douilles de munitions afin de maintenir l'ordre. Il y avait des tonnes de cobalt qui, traitées à une température de plus de 1500°C, seraient destinées à des moteurs de fusée et à l'industrie pétrolière. Il y avait des quantités et des quantités de matériaux fissibles dénommés uranium, qui une fois enrichis de façon suspecte, prendraient le patronyme plus arriviste, mais plus létal, de plutonium, pour dissuader tous ceux qui n'auraient toujours pas compris le phénomène des équilibres des forces.

L'insuffisance d'infrastructures modernes rendait les manoeuvres de chargement difficiles et les hommes en haillons suaient déjà à cette heure du matin, les muscles saillant sous l'effort. A cause du manque de moyen de manutention, le départ aurait certainement du retard, mais à vingt-cinq dollars le kilo de cobalt, au prix où était le caviar, on en avait sûrement pour son argent. Ce qui du coup posait la question: l'homme en viendra-t-il un jour à jalouser l'esturgeon? Ou encore: vaudra-t-il mieux, pour certains sur cette terre, comme le panda ou le phoque, confier ses intérêts au WWF ou Greenpeace plutôt qu'à l'ONU?

Les oubliés du miracle économique produisaient et manipulaient des denrées inestimables et rares, destinées à une technologie de pointe dont certaines applications avaient tout simplement pour but de les asservir encore davantage. Les circuits intégrés allaient produire des images et des concepts pour continuer à les persuader qu'ils seraient toujours les derniers des derniers sur la planète qui est la nôtre, et que tous leurs combats utopiques seraient toujours vains et, de toute façon, voués à l'échec. Les métaux précieux, une fois portés au feu, seraient envoyés dans l'espace afin de les surveiller, comme de grands enfants, sous l'oeil constant des satellites sophistiqués. Au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindage de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs rebelles. Si tout ceci devait rendre quelqu'un malade, à partir de ces même matériaux on développerait des traceurs médicaux efficaces. Malheureusement leurs prix seraient inversement proportionnels à la baisse du cours des matières premières et tributaires de la hausse intempestive du dollar. Devenant, du coup, inabordables pour le pauvre hère courbé sous son bât quotidien.

Mais qu'importe, tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage, rien n'était encore perdu, lui promettait-on."