Langue de bois …
Par Le Potentiel
De retour d’un périple mouvementé en Europe, mon patron le Ministre des Affaires stratégiques ( à prononcer avec respect…) a tenu à organiser une interview avec un journal de la place. Transparence oblige !
Comme à son habitude, mon patron de Ministre n’a éludé aucune question. Voici les passages de cette interview-choc :
Le Potentiel : Monsieur le Ministre, comment vous portez-vous ?
Le Ministre : Appelez-moi donc « Excellence » ; et présentez-vous d’abord…
Le Potentiel : A vos ordres, Excellence… Je suis journaliste du Potentiel, spécialiste de la rubrique « Apostrophes ».
Le Ministre : ah ! C’est vous le… fameux ?
Le Potentiel : Ah ! Non, Excellence, c’est plutôt vous le …fameux ! Alors, comment vous portez-vous ?
Le Ministre : Chez nous, on dit : « le malafoutier donne du vin de palme et des ivresses aux autres ; mais lui-même ne consomme que de l’eau de source ». C’est le secret de sa vigueur.
Le Potentiel : Excellence, vous revenez d’un périple en Europe. Avez-vous rencontré le Roi Albert, le Président Sarkozy, les Premiers Ministres Fillon et Van Rompuy. Si oui, de quoi avez-vous parlé ?
Le Ministre : Ah ! Albert II : un ami. Ah ! Sarko : un ami. Ah ! Fillon : un ami. Ah ! Van Rompuy : un ami ! Les palabres des anciens sous le baobab n’ont d’oreilles que les feuilles de baobab.
Le Potentiel : Ah ! Avez-vous par exemple évoqué la crise en RDC : les plans Cohen, Sarkozy et Kouchner, ou Museveni ?
Le Ministre : Chez nous, on dit : « la rivière qui court vers le fleuve a beau se tromper dix fois de route en contournant monts et vallées, elle ne revient jamais en arrière… » L
e Potentiel : Oui mais, Excellence, le pays est en voie de balkanisation. L’opinion est fortement alarmée et s’inquiète de plus en plus de la présence des armées étrangères dans notre pays ? Ces armées, ce n’est quand même pas de simples scouts ?
Le Ministre : Chez nous, on dit : « quand la maison du voisin brûle, on ne demande pas l’identité du pompier au secours ».
Le Potentiel : Oui mais, Excellence, l’opinion pense qu’il y aurait eu un deal avec comme troc l’arrestation de Nkunda et la traque des FDLR…
Le Ministre : …un …quoi ? Un di-di …quoi ? C’est quoi ça, deal ?
Le Potentiel : Euh… Un marché, un agenda caché…
Le Ministre : Aux problèmes structurels, il faut des réponses structurelles. Aux problèmes conjoncturels, il faut des réponses conjoncturelles. À des questions complexes à la fois structurelles et conjoncturelles, il faut des réponses complexes…
Le Potentiel : Mais encore, Excellence. Le Parlement et le Sénat s’agitent, les journaux s’émeuvent, l’Opposition s’énerve, l’homme de la rue est perplexe. Expliquez-vous !
Le Ministre : Il était une fois le pays des carnivores et le pays des herbivores. Après des siècles de conflit, des sages des deux côtés ont décidé de faire fumer le calumet de la paix à tous. Plus question pour les carnivores de manger en désordre l’espèce herbivore ; et plus question pour les herbivores de polluer et de pulluler dans l’espace carnivore et d’y répandre des maladies inguérissables ! Une grosse palabre eut lieu en une clairière neutre. Mais, hélas, aucun compromis ne fut trouvé. Alors on fit appel, comme arbitre, au Grand Féticheur des Féticheurs de l’Au-delà. Ce dernier proposa, en guise de paix et d’équilibre de la terreur, de changer quelques herbivores en carnivores et quelques carnivores en herbivores, selon une répartition démographique équitable. Ce qui fut fait. Or voilà que la nuit tombante, des ex-herbivores se sont pris à manger leurs anciens congénères ; et des ex-carnivores de polluer leur ancien espace avec des fléaux irrémédiables. Le Grand Féticheur des Féticheurs entra dans une forte colère ; et en signe de punition, remit tout à plat. Et les guerres recommencèrent et se succédèrent aux palabres ; et les palabres recommencèrent et se succédèrent aux guerres…
Le Potentiel : Ah ?
Le Ministre : Une autre question ?
Le Potentiel : Oui, Excellence : les Chinois, à quand les travaux ? On ne peut plus circuler librement ici : embouteillages sur embouteillages ; cortèges sur cortèges sur des routes impraticables. Bien au contraire, c’est chinoiseries contre kinoiseries : les Chinois se livrent à des ligablos et à des malewas. Qu’en est –il ?
Le Ministre : Chez nous, on dit : « le maïs et l’igname n’ont pas le même rythme de croissance, même sous les mêmes torrents de pluie ». Et puis, « la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit ». Et puis, « kokende liboso eza kokoma te. Rien ne sert de partir à point ; il faut savoir courir à temps ». Une question encore ?
Le Potentiel : Euh… non, Excellence ! Hmmm, non !... Excellence, tout parait clair comme l’eau de source.
YOKA Lye