Mise en place terminée !!
Suspense au cabinet de mon patron, le Ministre des Affaires stratégiques (à prononcer avec respect…). Suspense parce qu’elle est imminente, la mise en place du nouveau cabinet ministériel. Il est de coutume en effet qu’à chaque remaniement ministériel, leurs Excellences renouvellent les équipes. Pourtant, en principe, on ne change pas l’équipe qui gagne. Mais dire cela, c’est oublier qu’il y a une longue file de membres du parti et du clan qui attendent impatiemment leur tour de manger le gâteau. Alors commencent entre nous le trafic d’influence, la délation, les crocs-en-jambes, les obséquiosités rampantes. Trafic d’influence par exemple : on m’a rapporté l’autre matin que le chef de la logistique du cabinet expliquait à l’oreille du directeur de cabinet qu’il ne trouvait pas normal que la voiture du Ministre soit si gourmande en carburant malgré son petit ventre de réservoir. Sous-entendu : il y aurait surfacturation et trafic d’essence de la part du chauffeur du Ministre que je suis.
Délation par exemple : j’ai entendu de mes propres oreilles l’autre midi, à la pause, le chef du protocole chuchoter à l’oreille de la secrétaire particulière que l’on voyait de plus en plus le garde du corps flirter avec la secrétaire d’un chef de l’opposition radicale. Sous-entendu : il y aurait trafic d’informations secrètes et vases communicants entre le fameux garde du corps et les frères ennemis d’en face.
Crocs-en-jambes par exemple : le directeur de cabinet-adjoint a imité la signature du Directeur titulaire et a rédigé une fausse autorisation de paiement des frais de mission en sa faveur, pour avoir accompagné Son Excellence à un deuil familial. Sous-entendu : trafic de faux et usage de faux, au détriment du directeur titulaire et concurrent potentiel.
Obséquiosités rampantes par exemple : depuis l’annonce de la mise en place du cabinet, il y a comme une compétition de flatteries entre les membres du personnel. La plupart des membres sont passés de «Son Excellence monsieur le Ministre» à «Excellentissime», à «Grand-Patron-Ministre», à «Mon-Patron-Stratège », et même à «Mopao-Ministre» et à «Preso- Ministre». Et patati et patata… et tout ça, assorti d’une comédie théâtrale impayable, avec des courbettes à 180 degrés, des génuflexions à quatre pattes, et des sourires nègres de dessins animés…
Moi, je n’aime pas ça. D’abord parce que plus expert et spécialiste que moi au volant de la voiture officielle, personne ! Ensuite, parce que je ne suis pas n’importe quel chauffeur officiel; auprès de mon patron de Ministre, je suis à la fois guide, confident, entremetteur, agent de renseignements, goûteur… Voilà ma force tranquille. D’ailleurs cette force tranquille m’a coûté cher, puisque désormais, tout ce monde du cabinet vient déposer et prendre des nouvelles chez moi, convaincu que je suis la voie unique et autorisée pour accéder à notre patron de Ministre.
Ainsi, j’apprends encore une fois du garde du corps du Ministre que la secrétaire particulière a égorgé et enterré vivant un mouton noir avec des invocations au nom de mon patron de Ministre. En réalité, les ambitions de la secrétaire particulière voient et vont loin : le cabinet ministériel est devenu trop étroit et quelconque pour elle ; elle rêve désormais de faire un coup d’Etat à l’amiable contre la « mère ya palais ». cette secrétaire aurait pour cela, en plus des maraboutages sophistiqués, des techniques d’entre-cuisses absolument ensorcelantes, capables de domestiquer Barack Obama en personne !
Ainsi, j’apprendrai en revanche de la part de la même secrétaire que le garde du corps aurait subtilisé un slip et des chaussettes usées de notre patron de Ministre pour les confier à un féticheur tchokwe afin de les transformer en gris-gris d’envoûtement. En vérité les prétentions du garde du corps vont tout aussi loin : il tient à prendre la place du directeur de cabinet-adjoint. En fin de compte, avec toute la moisson d’informations recueillies ici et là auprès du personnel, je devenais encore plus fort, et vraiment incontournable…
…C’est sur ces entrefaites que j’ai reçu un coup de téléphone du directeur de cabinet. Il m’annonçait la mise en place effective au cabinet ministériel. Il me signifiait, au nom de Son Excellence monsieur le Ministre, que je venais d’être permuté : j’étais affecté dorénavant au service privé de ma patronne, « mère ya palais ». Le temps d’émettre une exclamation et une interrogation, le directeur de cabinet avait déjà raccroché…
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