Extrait de Mathématiques congolaises, In Koli Jean Bofane (cfr. menu dans la marge droite et merci à Sophie et Rémy!), le passage qui suit est une interprétation du systéme économique congolais... Sans doute plus ou moins juste et plus ou moins excessive, elle a le mérite de faire réfléchir...
" Toute la matinée, on chargea des wagons de marchandises venues d'Afrique du Sud et de Namibie, par la route et le train, à travers la Zambie. On manipulait des minerais produits dans la région. Entre autres des lingots et des plaques de cuivre destinés à être fondus, pour gainer des câbles coaxiaux ou pour se répandre en réseaux sur des circuits intégrés, mais aussi pour constituer des douilles de munitions afin de maintenir l'ordre. Il y avait des tonnes de cobalt qui, traitées à une température de plus de 1500°C, seraient destinées à des moteurs de fusée et à l'industrie pétrolière. Il y avait des quantités et des quantités de matériaux fissibles dénommés uranium, qui une fois enrichis de façon suspecte, prendraient le patronyme plus arriviste, mais plus létal, de plutonium, pour dissuader tous ceux qui n'auraient toujours pas compris le phénomène des équilibres des forces.
L'insuffisance d'infrastructures modernes rendait les manoeuvres de chargement difficiles et les hommes en haillons suaient déjà à cette heure du matin, les muscles saillant sous l'effort. A cause du manque de moyen de manutention, le départ aurait certainement du retard, mais à vingt-cinq dollars le kilo de cobalt, au prix où était le caviar, on en avait sûrement pour son argent. Ce qui du coup posait la question: l'homme en viendra-t-il un jour à jalouser l'esturgeon? Ou encore: vaudra-t-il mieux, pour certains sur cette terre, comme le panda ou le phoque, confier ses intérêts au WWF ou Greenpeace plutôt qu'à l'ONU?
Les oubliés du miracle économique produisaient et manipulaient des denrées inestimables et rares, destinées à une technologie de pointe dont certaines applications avaient tout simplement pour but de les asservir encore davantage. Les circuits intégrés allaient produire des images et des concepts pour continuer à les persuader qu'ils seraient toujours les derniers des derniers sur la planète qui est la nôtre, et que tous leurs combats utopiques seraient toujours vains et, de toute façon, voués à l'échec. Les métaux précieux, une fois portés au feu, seraient envoyés dans l'espace afin de les surveiller, comme de grands enfants, sous l'oeil constant des satellites sophistiqués. Au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindage de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs rebelles. Si tout ceci devait rendre quelqu'un malade, à partir de ces même matériaux on développerait des traceurs médicaux efficaces. Malheureusement leurs prix seraient inversement proportionnels à la baisse du cours des matières premières et tributaires de la hausse intempestive du dollar. Devenant, du coup, inabordables pour le pauvre hère courbé sous son bât quotidien.
Mais qu'importe, tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage, rien n'était encore perdu, lui promettait-on."
L'insuffisance d'infrastructures modernes rendait les manoeuvres de chargement difficiles et les hommes en haillons suaient déjà à cette heure du matin, les muscles saillant sous l'effort. A cause du manque de moyen de manutention, le départ aurait certainement du retard, mais à vingt-cinq dollars le kilo de cobalt, au prix où était le caviar, on en avait sûrement pour son argent. Ce qui du coup posait la question: l'homme en viendra-t-il un jour à jalouser l'esturgeon? Ou encore: vaudra-t-il mieux, pour certains sur cette terre, comme le panda ou le phoque, confier ses intérêts au WWF ou Greenpeace plutôt qu'à l'ONU?
Les oubliés du miracle économique produisaient et manipulaient des denrées inestimables et rares, destinées à une technologie de pointe dont certaines applications avaient tout simplement pour but de les asservir encore davantage. Les circuits intégrés allaient produire des images et des concepts pour continuer à les persuader qu'ils seraient toujours les derniers des derniers sur la planète qui est la nôtre, et que tous leurs combats utopiques seraient toujours vains et, de toute façon, voués à l'échec. Les métaux précieux, une fois portés au feu, seraient envoyés dans l'espace afin de les surveiller, comme de grands enfants, sous l'oeil constant des satellites sophistiqués. Au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindage de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs rebelles. Si tout ceci devait rendre quelqu'un malade, à partir de ces même matériaux on développerait des traceurs médicaux efficaces. Malheureusement leurs prix seraient inversement proportionnels à la baisse du cours des matières premières et tributaires de la hausse intempestive du dollar. Devenant, du coup, inabordables pour le pauvre hère courbé sous son bât quotidien.
Mais qu'importe, tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage, rien n'était encore perdu, lui promettait-on."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire